Ana écrit des textes qu’elle interprète sur les musiques du pianiste Diederik Wissels (David Linx, Fay Claassen, Philip Catherine , Chet Baker, Toots Thielemans…).
Les syllabes sont détachées, la voix est limpide et sa justesse infaillible. Les mots tombent comme des flocons épars, composant des phrases à la mélancolie diffuse et, finalement, de petites paraboles allusives aussi fragiles que des rêves de verre. Il y est question d’absence, de chimères, d’aspirations et de transcendance vers plus d’amour, de paix et de beauté : « La vie est un état éphémère. Et une porte étroite, qui mène à un petit jardin où s’épanouissent les fleurs, pourrait bien être tout l’espoir qui nous reste. »
Il n’y a pas de section rythmique dans cette musique qui s’enroule autour des mots plus qu’elle ne les porte. Les associations de timbres sont remarquables et comme souvent avec Diederik, le silence est partout, propre à rendre vivante l’inflexion sonore la plus infime. Parfaitement adapté au monde évanescent de la chanteuse, le toucher du pianiste est d’une extrême délicatesse, tout en finesse et légèreté.
Mais ‘Yearn’ bénéficie aussi de la présence de deux autres musiciens : le trompettiste d’origine grecque Andreas Polyzogopoulos et le saxophoniste ténor Nicolas Kummert qui enrichissent les harmonies, là où c’est opportun, avec toute la douceur et la discrétion requises. Leurs surgissements splendides au moment où on ne s’y attend pas participent à la dramaturgie de ces miniatures en déclenchant nouveaux émois et enchantements.
Ana Rocha et Diederik Wissels forme un duo avec un esprit gémellaire dont la chorégraphie lunaire et la force contenue portent le mélomane affranchi de toute pesanteur en des contrées inouïes.
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