Attentif aux sortilèges de la batterie contemporaine – de Philly Joe Jones à Roy Haynes – et de Max Roach à Tony Williams, Robert Cordier n’en demeure pas moins fidèle aux structures élaborées au début du siècle par Zutty Singleton, puis Jo Jones, escortés de près par les grands batteurs blancs tels que Dave Tough ou Gene Krupa. Une des caractéristiques du jeu de Cordier consiste à exploiter l’élément rythmique africain, l’un des indéracinables pivots du jazz. Son rôle de percussionniste découle d’une démarche identique. Aux bongos ou à la conga, il me fait penser à Kenneth Nash que j’entendis naguère aux States avec Bobby Hutcherson.
Dans cet excellent album où deux de ses compositions sont reprises (“Like a lafcadio” et “Mallow tone” écrit en collaboration avec Jean-Marc Morès, Robert Cordier a tenté l’expérience de thèmes aux sons “bicolores”. La première face est plus spécifiquement jazz, tandis que l’envers est voué à une musique orientée vers le funk. Dénominateur commun: un swing omniprésent dû, en grande partie, à ces roulements en avalanche venus des explosions bénéfiques d’un des maîtres de Robert Cordier, l’impétueux Art Blakey, dont l’héritage se perçoit dans la puissance et la netteté de son attaque. Robert Cordier c’est l’homme des tambours. Contrairement aux batteurs contemporains, il utilise peu la cymbale et ne joue guère sur l’armature de l’instrument. Sa diversité d’accents sur la caisse et sa flexibilité lui valent sans doute le mérite d’une appellation contrôlée d’origine rimbaldienne: “un voleur d’énergie”. (Marc Danval)
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