Et puis débarquèrent, timidement, sur les scènes des jams-sessions, à Liège puis à Bruxelles, une nouvelle génération, aux ambitions et aux méthodes toutes différentes : ceux-là (Pascal Mohy, Quentin Liégeois, Sam Gerstmans, Greg Houben, Urs Dubicki et quelques autres) avaient hérité de leurs aînés une authentique boulimie bleue et leurs oreilles étaient d’autant plus ouvertes aux différentes périodes de l’histoire du jazz que, grâce aux nouvelles technologies (Internet and cie), ils pouvaient en un clic avoir accès à un corpus discographique inaccessible aux générations antérieures. Ce retour à l’écoute et aux racines a très vite porté ses fruits.
Et on a vu sur les scènes des clubs et des festivals débouler ces jeunes qui jouaient le jazz des années ’50/’60 avec une authenticité renversante, comme s’ils étaient nés dans les greniers du Birdland ou du Village Vanguard, comme s’ils avaient passé leur enfance entre les caves du Tabou et du Club St Germain, comme s’ils avaient vécu leur adolescence dans les jams de la Rose Noire ou du Jazz Inn mais capables de créer un langage personnel riche de toutes les expériences passées (et présentes). D’où la présence dans ce trio indubitablement marqué par l’ombre lumineuse de Chet Baker de compositions originales (de Greg Houben et de Quentin Liégeois), compos personnelles mais bien en phase avec celles d’Irving Berlin ou de Richard Rodgers.La formule instrumentale choisie par Greg Houben pour ce premier CD n’en était pas moins risquée d’entrée de jeu : rien de tel qu’un batteur pour doser les climats et les intensités.
Surtout qu’aux vingt minutes de la face de vinyl ont succédé les 80 minutes du CD. Pari globalement gagné, avec pour incontestables points d’orgue les reprises de « Daybreak » ou « For minors only » où le trio fonctionne au maximum de ses possibilités. Une musique souvent au fil du rasoir comme celle de Chet, un jazz d’hier et d’aujourd’hui dans lequel ni l’émotion ni la mélodie ne se laissent submerger par les prouesses techniques et les méthodes compositionnelles abstraites. Du jazz, en somme.
(Jean-Pol Schroeder)
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